mardi 9 avril 2024

La lyre : où comment habiller Pierre (Bernhardt) en déshabillant Paul (Rousselot) !

 Le pianoforte que j'essaie de restaurer a perdu sa lyre.... Des traces montrent qu'il y en avait une, et celui du musée de la Musique de Paris en a une.

Bernhardt 227 (Copyright Musée de la Philharmonie Paris)

J'en ai donc cherché une, et je l'ai trouvée sur un pianoforte de 1835, d'un facteur nîmois : Rousselot et Decombes.

Au lieu de s'appuyer sur une entretoise du piètement, celle-ci était vissée sur le fond de l'instrument


 donnant ainsi accès à toute la tringlerie.



Outre la lyre et sa tringlerie, divers éléments ont été récupérés :
        - le clavier et sa mécanique, de type Petzold,
        - les étouffoirs et leur pilotes.


Mais les dimensions ne sont pas les mêmes : les bâtons de marteaux sont plus gros, et plus longs, les noix sont similaires, mais pas strictement identiques.

En haut, Bernhardt, en bas Rousselot.

Merci Henri !

A suivre ...






jeudi 21 mars 2024

Les étouffoirs et leurs pilotes.

 

Le système des étouffoirs est destiné à étouffer le son des cordes après leur frappe par les marteaux. Il est constitué de deux parties :

    - le cadre des étouffoirs,

    - les pilotes.

Les cadre des étouffoirs

    Le cadre des étouffoirs est constitué d'une pièce de bois trapézoïdale où sont disposées de petites lames de bois terminées par un feutre doux de 7*16 mm et de 4 à 5 mm d'épaisseur.

Cadre des étouffoirs d'origine.

Ce cadre est disposé au-dessus des cordes, à raison d'un feutre par paire de cordes. Un pilote actionné par l'extrémité des touches va soulever ces lames lors du jeu et un ressort les ramènera en position pour étouffer les cordes.

cadre en position - vue des ressorts

Il me faut donc changer tous les feutres (bouffés par des souris) et refaire certains ressorts manquants. Avec du feutre doux de laine de mouton, approvionné de Chine, je découpe soigneusement de petits blocs de feutre que je colle à la place des feutres anciens. Opération délicate car il faut respecter l'indépendance des lames et on vérfiera plus tard si cela correspond aux bonnes paires de cordes.....

Les pilotes.

    Ce sont des tiges de laiton terminées par un bouton de peau et de feutre.

Pilote d'origine

Il en manque plus de la moitié. 
Alors avec de la tige de laiton et des boutons en bois terminés par une pastille de feutre, trouvés sur un site de fournitures pour pianos, je refais les pilotes manquants. Pour le montage, je règle la hauteur de la tige in situ à la pince coupante et j'ajoute une mouche de feutre pour éliminer le bruit du bois revenant à sa position.

Tous les pilotes sont en place

A suivre ...





jeudi 14 mars 2024

Des cordes ... premier parcours !

Le "Bernhardt 228" est cordé, du moins en partie car il y a des manques, et des erreurs.

 Manifestement, toutes les cordes ne sont pas d'origine; il y a eu des remplacements, souvent hasardeux. Or, pour vérifier les positions des étouffoirs et des marteaux, il me faut un plan de corde complet. De la position des cordes dépend tout le reste.

Après une analyse fine des cordes restantes, il est clair que les cordes basses sont en cuivre, et le reste en acier. Curieusement, il n'y a pas beaucoup de variations de diamètres. Sont-ce les cordes d'origine ? J'en doute...

Les aigus.

Je mesure au palmer le diamètre des cordes existantes en acier à 0.026/0.027 pouces, soit entre 0.66 et 0.68mm.

Je commande donc chez Vogel un bobine de fil d'acier "Ormiston" de 0,675mm.



Et je commence par remplacer les plus courtes, donc les plus aiguës, pour voir si elles resistent à la tension. 

Il est facile de voir les remplacements par la qualité des bouclettes : celles d'origine sont très bien faites; celles qui sont mal faites ne sont pas certainement pas d'origine. Mais il peut y avoir eu de bons remplacements ... allez savoir !



Exemple de bouclette approximative (là où est
la pointe du tournevis)

J'ai même remplacé une corde dont la cheville d'accord ne correspondait pas à la pointe d'accroche : il y avait donc un chevauchement  de cordes (voir ci-dessous) !! (Des bricoleurs sont donc passés par là). 

Et même deux cordes sur la même pointe d'accroche ayant provoqué une inclinaison anormale vers le chevalet... Sans compter les bouclettes mal faites et les mauvais positionnements au niveau du chevalet ou des chevilles...


Vue du b... du medium. 

Bref, j'ai une sérieuse remise en ordre à faire pour mettre en cohérence les trois éléments suivants : pointe d'accroche, position sur le chevalet et la bonne cheville d'accord.


Alors, j'enlève tout ce qui est mal fait, tant au niveau des pointes d'accroche que des chevilles d'accord. J'enlève ainsi deux douzaines de chevilles; j'en profite pour les dérouiller (avec un produit dérouillant à 20%), et je mets des gants ! (présence d'acide phosporique...)

Chevilles dérouillées.

Lors de chaque remplacement, j'en profite aussi pour "pitcher"* les cordes au ton (base la3 = 415Hz).

Les basses.

Pour les basses, je mesure entre 0.032 et 0.051 pouce. Je commande donc chez Vogel du fil de cuivre rouge à 5% de Zn de 0.92mm.


Avec ce fil, je remplace un manquant (le C2 court) et il monte bien au ton/ En revanche pour la corde manquante de G2, je casse en montant au ton. Croyant à un mauvais montage, je ré-essaye : re-casse.

En regardant le point de casse au niveau de la cheville d'accord, je remarque que les deux bouts de la corde cassée sont légèrement effilés : j'ai dépassé la tension de rupture !
Je recorde donc en acier, et ça tient !

Mais je détecte deux problèmes à résoudre :
- deux pointes d'accroche à remplacer, car elles ont été tordues dans le mauvais sens (sans doute à cause de deux cordes sur la même, donc double tension, donc torsion)
   

- deux cordes se superposent à cause d'une pointe de sillet tordue.

Pointe de sillet tordue.

Cette phase va ainsi permettre à l'instrument de se révéler : tiendra-t-il le ton ? Une fente va-t-elle apparaître ?

Si ça tient, je verrai plus tard quel plan de cordage mettre en place, et changer alors toutes les cordes !

A suivre...

* Pitcher : amener rapidement un instrument au ton choisi pour avoir un premier équilibre des forces; on peut ensuite passer à l'accordage proprement dit. En effet, chaque accord d'une note modifie l'équilibre de l'instrument. Si vous accordez les aigus, en arrivant aux basses, il y a des chances que vos aigus soient désaccordés. L'accord d'un instrument à cordes est un processus itératif. C'est pourquoi il est conseillé d'avoir un instrument toujours bien accordé...

Note sur la casse des cordes.
Quand une corde casse, il y a plusieurs raisons possibles :
        - la corde n'est pas adaptée à la longueur et à la tension nécessaire,
        - par inattention, on tend une corde qui n'est pas celle qu'on croyait en se trompant de cheville. C'est pourquoi il est conseillé, lors d'un accordage, de toujours commencer par baisser le ton, pour entendre si c'est la bonne cheville...
        - la bouclette est mal faite,
        - l'angle entre la cheville et le sillet du sommier est trop fort (dernière spire trop basse),
        - la corde passe par-dessus une spire de la cheville d'accord.


samedi 2 mars 2024

Réparation de la mécanique.

 La mécanique de cet instrument est de type Petzold.



Par rapport au fonctionnement explicité ci-dessus, plusieurs situations peuvent advenir. La plus courante étant que l'ergot qui a lancé le marteau reste en position sous la noix, empêchant ainsi le marteau de revenir à sa position initiale. Le marteau reste alors comme "collé" aux cordes.


Gros plan de la noix

Il y a alors plusiers choses à verifier : absence du petit ressort de l'ergot au niveau de l'embase de la touche, ou insuffisance d'épaisseur sur l'arrière de la noix. Par rapport aux touches qui "marchent" bien, je m'aperçois qu'il ne faut pas laisser plus de 2 mm d'épaisseur derrière la noix pour que l'ergot, arrêté par l'épaulement, puisse basculer rapidement derrière.

Alors qu'elles sont garnies de cuir dans le montage historique, certaines noix ont été garnies de feutre doux à cet endroit* (réparations hasardeuses ?), parfois bien bouffé par des souris. Je regarnis cette partie avec de la peau ( 2mm), ou du petit cuir (1mm), collé par de la "hide glue" qui se disssout à l'eau. Ce montage est donc "réversible".

Les petits ressorts font 0,013 pouce (0.3mm) en laiton; il m'est aisé d'en refaire si nécessaire avec du fil de laiton de corde de clavecin.... 3 petits tours autour d'une pinoche et c'est fait. Il n'y a plus qu'à l'insérer dans la touche, dans le petit trou déjà fait, ou à les coller sous l'amortisseur si le ressort se casse dans le trou quand j'essaie de l'enlever...


Enfin, dernier élément : l'attrape. L'attrape est un dispositif fixe, disposé à l'arrière de la touche, sur une tige à 30° de la verticale pour amortir l'arrière du marteau et éviter son rebond avant que la touche ne soit relachée. Munies de feutre, ces attrapes sont encore efficaces; je verrai plus tard s'il est nécessaire ou non de les changer.

* le feutre est nécessaire pour amortir et éliminer les bruits de chocs, mais n'est pas idoine là où il y a frottement. Il vaut mieux le cuir ou la peau, et graphiter le bois qui va glisser dessus. Je remarque que tous les dessus des ergots sont graphités d'origine, ainsi que le haut du dos des ergots.

A suivre ...

dimanche 25 février 2024

Nettoyage des touches.

Nettoyer les touches est un travail, long et fastidieux, mais nécessaire !

En commençant par la touche la plus basse (n°73, fa0), et armé de laine d'acier (grade 0), je nettoie soigneusement les 4 faces des touches. Elles sont en tilleul, leur section est trapézoïdale, plus large en haut (13mm) qu'en bas (11mm), et elles sont légèrement rétrécies vers l'arrière.

L'espacement des touches est classique : 49 cm pour 3 octaves.

Chaque touche comporte deux mortaises : 

- la mortaise de balancement qui permet le mouvement de la touche verticalement autour d'une pinoche de 3.5mm, et 

- une mortaise de guidage, située dessous à l'avant de la touche et insérée sur une pinoche non traversante pour s'assurer du guidage de la touche dans un plan vertical.

Avec une petite lime ronde et pointue de 3mm de diamètre, je nettoie ces mortaises des petits moutons de poussières, cadavres de larves d'insectes, etc ... et avec un petit coup de soufflette, tout est propre.

Ayant inséré des mouches sur les pinoches de balancement (rouge) et de guidage (vert) je regarde alors si la touche se meut librement sans frottement ni ralentissement. Si nécessaire, une petit graphitage sur les bords de la mortaise facilite le mouvement de la touche.

Début du nettoyage des touches

Ainsi le clavier devient agréable à manipuler, chaque touche revient facilement à son point de repos. Certaines touches sont garnies de plombs qui sont en bon état.

Sur une touche, je remplace la peau du bout de touche, grignotée par une souris, par un nouveau revêtement de peau. Cette partie de la touche sert de repos pour le pilote de l'étouffoir. Dès qu'on appuie sur la touche, l'étouffoir est relevé, et revient quand la touche a repris sa position de repos. Pour les autres touches, cette peau est marquée mais encore utilisable.

Une fois ce nettoyage terminé, il faut remonter le clavier, en remettant en place le rail des marteaux et le rail de repos. Pas simple, car il y a deux tiges filetées pour chacun des deux rails avec un écrou de réglage de la hauteur sur deux planchettes intermédiaires. 

Planchettes intermédiaires (on voit les trous de fixation des tiges filetées).

Il faut faire attention à bien remettre les deux rails à l'horizontale et faire en sorte que le niveau des têtes de marteaux ne dépassent pas 12cm, espace libre en dessous la table et les barres pour remettre le clavier en place.

Clavier remonté.

Il y manque une douzaine de marteaux (cassés et/ou manquants). Je vais chercher à les refaire fabriquer. ....

Ce clavier est glissé dans l'instrument, en butée sur trois clous tordus sur l'éclisse : réglage d'époque !

Essai in situ : attention les oreilles ! Comme rien n'est étouffé, l'ensemble résonne comme il peut, faisant une dissonance inouïe ! car rien n'est accordé, mais ...

il sonne bien cet instrument !

Cet essai permet aussi de voir que certaines notes ne jouent pas, pour d'autres, les marteaux ne reviennent pas, et certains restent comme collés aux cordes ! Je note la vingtaine de touches posant problème, car maintenant il va falloir régler la mécanique !

Déjà je remarque que la note la plus grave frappe bien les deux cordes les plus basses : a priori le fa0 que j'ai accordé au diapason de 415 Hz (il ne faut pas brusquer ce genre d'instrument...). Donc tout le reste devrait s'en déduire. En principe, mais à vérifier....

A suivre ...

vendredi 23 février 2024

Commencer par le clavier !

Par où commencer ? 

Par le clavier, évidemment. C'est le plus simple et cela va permettre de comprendre comment fonctionne la mécanique de type Petzold de cet instrument.

    Une baguette de bois (appelée "petite porte"), rentrée en force sur les extrémités du clavier, mais assez souple, permet de dégager la poignée permettant d'extraire le clavier.

Poignée pour tirer le clavier

Clavier dans son état initial.

       Ce clavier est sale, poussiéreux, et on récupère même une tête de marteau cassée. 

Il comporte trois parties :

    - le chassis sur lequel reposent les touches,

    - le rail des marteaux situé au-dessus des touches, et vissé sur deux montants aux extrémité du clavier et deux supports de tiges filetées entre les touches 25-26 et 48-49.

    - le rail de repos des marteaux, supporté également par deux autres tiges filetées.

Passage d'une tige filetée.

Nota: les touches sont numérotées de l'aigu vers les basses; la plus aiguës (f6) est la n°1 et la plus basse (f0) est la n°73. Les numéros, au crayon, sont d'origine.

Alors, commençons par enlever toutes les touches pour voir l'état des feutres et des tissus ...

Etat initial du chassis du clavier
Cete photo parle d'elle-même ! 

On voit à droite, la barre de repos des touches (en chêne) avec un feutre rouge qui laisse passer les pinoches de guidage des touches.

Au centre la barre de balancement (en hêtre) avec les pinoches de balancement et les "mouches" bien mal en point; certaines sont manquantes. Les mouches servent pour régler la hauteur de chaque touche.

A gauche, la barre de repos des extrémités des touches avec un drap vert qui recouvre une feutre plus épais.

Je prends la mesure des épaisseurs des draps et des feutres : 2 fois 2mm pour le drap rouge, 1mm pour le drap vert et 2 mm du feutre sous-jacent pointé sur la planche avec des clous de tapissier.

J'enlève tout cela pour mettre les planches à nu, et je nettoie toutes les pinoches à la laine d'acier 0.

Chassis nettoyé !
A suivre !..







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